La porte du paradis

C'est au mois de décembre qu'est ressorti en édition restaurée La Porte du Paradis (Heaven's gate) de Michael Cimino.

Chef d’œuvre incontestable du cinéma, il raconte, d'après des faits réels (voir la guerre du compté de Johnson), comment, en 1890, un lobby d'éleveurs (extrêmement puissant sur le plan politique) fait adopter par le sénat une liste de 125 noms de personnes à abattre. Ces condamnés, tous immigrants et extrêmement pauvres, étaient accusés, sans procès, de vol de bétail.

Cette re-sortie en DVD sonne un peu comme une résurrection inespérée car il s'agit d'un des 10 plus gros échecs commerciaux de l'histoire du cinéma (avec une perte sèche de 107 millions de dollars, inflation prise en compte). Le film entraînera même la United Artists (fondée par Charlie Chaplin) dans sa chute, puisque le studio mis immédiatement la clé sous la porte.

 

L'échec inévitable d'un film sorti au mauvais moment.

Le film se dote d'un budget colossal : 40 millions de $ de l'époque (environ 120 millions d'aujourd'hui). Une ville est construite spécialement pour les besoins de reconstitution et le tournage dure 7 mois.

porteparadis2.jpg La ville construite pour le film

Cimino fait appel à beaucoup de grands acteurs (Kris Kristofferson, Christopher Walken, Jeff Bridges) et de premiers-rôles qui s’avéreront être des grands noms plus tard (Mickey Rourke, Isabelle Huppert).

Kris Kristofferson Christopher Walken Kris Kristofferson et Isabelle Huppert

La porte du paradis sort en 1980 aux Etats Unis (1 an avant l'élection de Reagan - la droite dure) et propose une vision assez gauchisante (en ré-ouvrant la plaie d'un génocide américain orchestré par la bourgeoisie contre les plus démunis). A sa sortie les critiques sont assassines : le thème passe mal, il met à nu un traumatisme plus profond que le génocide indien : le “fratricide originel”, le massacre des pauvres par les riches. Le film est retiré au bout d'une semaine et Cimino du remonter le film pour essayer de proposer une version moins radicale (la seconde, sortie 6 mois plus tard, fut aussi un fiasco).

Un format mal adapté

Cimino aurait récolté plus de 200h de rushes sur le tournage, et proposa une première version de 5 heures, qui sera immédiatement refusée. Au final c'est une version de 3h40, puis 4h20 qui sortira au cinéma. La version restaurée de 2012 dure 3h36.

S'il était sorti aujourd'hui, La porte du paradis aurait pu faire l'objet d'une série TV, mais, à l'époque, ce concept n'en était encore qu'au fonctionnement d'épisodes autonomes (il faut attendre l'age d'or des séries dans les années 1990 pour commencer à voir des histoires s'étalant sur une saison et non un unique épisode).
On ne sortait pas non plus de films en plusieurs parties (comme cela semble devenir la norme avec des films-arnaque* comme, allez au hasard, le Hobbit).
Du coup le format de La porte du paradis a rebuté beaucoup de gens, qui ne se sentaient pas être capable de s’enchaîner 4h de film.

Un chef d'oeuvre incontournable

C'est un film assez long en apparence (3h30) mais qui défile à toute vitesse tant l'histoire est prenante. Le spectateur est emporté dans un tourbillon de folie entre les scènes de danse hallucinées qui ouvrent le début du film et qui préparent le long final sanglant qui se jouera de la même manière.

On a aussi plaisir à voir certains acteurs peu ou pas connus à l'époque et qui sont aujourd'hui devenus des grands noms (et Isabelle Huppert qui parle anglais avec un accent français à tirer au couteau).

Une restauration réussie

La nouvelle version, sortie en 2012, a été entièrement remontée sous la direction de Michael Cimino. Elle a fait l'office d'une numérisation haute définition ce qui a permis au réalisateur d'en profiter pour retravailler le film (couleur, grain, etc) avec les outils d'aujourd'hui permettant ainsi de s'approcher d'avantage de ses souhaits de l'époque.

Voici un visuel de la très belle édition prestige contenant livres, photos, bande-originale, scripts et autres :

Le coffret prestige de la porte du paradis

Notes et liens :