Une démarche anti-spectaculaire, où se déploie une poétique de la lenteur et une politique du regard.

Jennifer Douzenel est une jeune artiste sortie des Beaux-Arts 2009, elle développe un travail vidéo singulier, loin des codes et autres références cinématographiques. Elle utilise une grammaire filmique simple et constante : un plan-séquence fixe, cadré sur un bout de réel. Pas de mise en scène, de distorsion du temps ou de remaniement de l'image, son travail réside tout d'abord dans le choix de ce sur quoi elle va poser son cadre. De la longueur totale du plan saisie par la caméra elle ne conserve que quelques minutes, les plus denses. Elle filme de menus évènements: dans Cabanon une vidéo de 2011 qui dure 4'55'', on voit le sommet d'une colline derrière lequel des parapentes se déplacent silencieusement, dans Soleil une vidéo de 2013 qui dure 7'07'', l'image nous montre le virage d'une route de campagne, la nuit, dont les éclairages s'allument et s'éteignes périodiquement. Les séquences sont diffusées en boucle.
Les images que produit Jennifer Douzenel pourraient tout autant être figées, l'action qui s'y joue est ténue et le mouvement de l'image n'est pas déterminant pour l'intelligibilité de ce qui est en train de se passer, mais ce n'est justement pas par là que se saisit ce travail. L'artiste nous donne à voir et à vivre de la temporalité, ce qu'elle nous met sous les yeux c'est du temps qui passe. Les vidéos tendent vers une douce contemplation, le spectateur qui s'y laisse entraîner se retrouve dans un temps suspendu, où le regard se nourrit de choses simples.

Une exposition lui est actuellement consacrée à la Bf15  à Lyon*, elle est intitulée: Les journées lentes, pour ceux qui seront peut-être de passage dans la région elle se termine le 30 mars 2013, pour les autres il y a le site de la galerie dont voici le lien : http://labf15.org/
et le site de l'artiste où il est possible de visionner certaines des vidéos : http://www.jennifer-douzenel.com/
Il y a également une pièce visible dans l'exposition collective How high the moon à la galerie Jérôme Poggi à Paris dans le 10ème, jusqu'au 9 mars 2013, voici le lien du site du lieu: http://www.galeriepoggi.com/

Cabanon 2011

Montagne 2010

Les journées lentes : petit commentaire sur l'expo et gros bémols;
Dans la première salle où sont présentées cinq des sept vidéos de l'exposition, les vidéos sont diffusées sur de petits écrans fixés aux murs et installés dans des sortes de petites boîtes à l'intérieur desquelles on regarde. Les vidéos sont ainsi isolées de ce qui se passe autour. Au premier regard le dispositif est plutôt séduisant, l'intention semble cohérente. Sauf qu'en pratique cette mise en espace se révèle tout à fait contre-productive. En effet, les vidéos sont accrochées à environ 1m50 du sol, ce qui est parfait pour une personne 1m65, en revanche pour les autres ce n'est pas gérable : regarder une image où, comme je l'ai décrit plus haut, il ne se passe par grand-chose et se laisser aller à la contemplation plié en deux, c'est difficile et ça fait mal au dos. Au final ne pouvant rester dans cette position inconfortable, on se retrouve à survoler les vidéos et donc à ne pas pouvoir les éprouver comme il faudrait. Il nous reste tout de même les deux autres vidéos, dont l'une est diffusée sur un écran de télé et l'autre en vidéoprojection et que nous pouvons contempler confortablement assis, mais là dispositif est moins surprenant.


vue de l'expo

plié en deux

*La Bf15 est une galerie qui défend dans l'ensemble des travaux sensibles et subtils. Je vous la recommande vivement si vous êtes de passage et je vous invite à consulter son site internet sur lequel il y a des images et des textes des expositions passées et présentes, c'est claire et bien documenté.